Indemnisation algodystrophie suite à trois interventions chirurgicales

Un patient présente des gonalgies invalidantes et subit une intervention dans un centre hospitalier le 11 octobre 2006. Il sera réopéré à 3 reprises en raison d’une flexion limitée persistante du genou gauche.

A l’issue de la troisième intervention, le patient retrouve une amélioration de la flexion du genou gauche mais subit des douleurs très intenses, résistant aux thérapeutiques antalgiques usuelles.

Une algodystrophie est diagnostiquée.

Le patient imputant la survenance de l’algoneurodystrophie à une faute médicale, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis d’une demande d’expertise médicale.

Expertise médicale ordonnée par le tribunal administratif

Un médecin expert est désigné par ordonnance du 4 juin 2007 du juge des référés

  • Le rapport de l’expertise médicale relève que:
  • la complication du syndrome algodystrophique a une genèse multifactorielle qui demeure encore peu connue
  • L’apparition de l’algodystrophie  doit être regardée comme présentant un lien direct avec l’intervention  subie le 11 octobre 2006
  • L’absence de faute médicale
  • La décision de pratiquer l’intervention ainsi que les conditions dans lesquelles il y a été procédé sont conformes aux données acquises de la science médicale
  • La réalisation, le 29 novembre 2006, d’une deuxième intervention était discutable en vue de l’atténuation des douleurs de l’algodystrophie, qui n’a été obtenue que par des séances de kinésithérapie et par d’autres traitements d’accompagnement
  • Cette deuxième intervention ainsi que celles qui ont suivi ont conduit à  l’amélioration de la flexion du genou de l’intéressée
  • Les trois interventions chirurgicales ne sont pas à l’origine de l’algodystrophie ou de son aggravation.

Rejet de la demande d’indemnisation du requérant

Le tribunal administratif rejette la demande d’indemnisation du patient, estimant qu’aucune faute médicale ne peut être retenue .

En appel, le patient sollicite l’indemnisation du préjudice résultant du défaut d’information, estimant qu’il aurait pu refuser l’intervention, qui n’était pas vitale  et demande également l’indemnisation de ses préjudices de toute nature .

Sur le manquement au devoir d’information du patient , la cour administrative d ‘appel a considéré  :

  • Que la chirurgie du genou présente des risques connus d’algodystrophie qui doivent être portés à la connaissance du patient et qu’en invoquant la circonstance, qu’un délai de réflexion lui permettant de se concerter avec son médecin traitant avait été laissé au patient avant la réalisation de l’intervention, le centre hospitalier n’apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce qu’une information, notamment sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles de l’intervention, lui avait été donnée conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique .
  • Qu’un manquement des médecins à leur obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé le patient d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée ;
  • Que c’est seulement dans le cas où l’intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus, que l’existence d’une perte de chance peut être niée .
  • -Qu’il résulte du rapport d’expertise qu’eu égard à la gravité de l’état initial du genou gauche du patient, à la probabilité de l’évolution de cet état, aussi invalidante que l’algodystrophie, à défaut d’intervention chirurgicale à laquelle n’existe aucune alternative moins risquée, ainsi qu’aux bénéfices de l’opération, le défaut d’information n’a pas entraîné, dans les circonstances de l’espèce et ainsi que l’ont à bon droit estimé les premiers juges, de perte de chance pour le patient de se soustraire au risque qui s’est réalisé .
  • Le patient qui se borne à soutenir que tout manquement à cette obligation d’information ouvre droit à l’indemnisation d’un préjudice moral, n’invoque pas un  préjudice moral autonome, ni aucun autre préjudice résultant directement de ce manquement, dont il lui aurait appartenu d’établir la réalité et l’ampleur.

Rejet de la demande d’indemnisation au titre de l’accident médical non fautif

Le patient sollicite en l’absence même de toute faute de l’hôpital la condamnation de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l’indemniser au titre de la solidarité nationale du préjudice subi du fait de l’algodystrophie dont il est atteint .

La cour administrative d’appel considère que:

« eu égard à l’état initial du genou gauche du patient et à la probabilité de l’évolution de cet état, aussi invalidante que l’algodystrophie, à défaut d’intervention chirurgicale, l’intervention qu’il a subie n’a pas entraîné de conséquences plus graves que celles auxquelles il était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement ; que, d’autre part, il est constant qu’une algodystrophie constitue un syndrome douloureux régional complexe pouvant survenir après toute intervention chirurgicale sur les articulations, notamment celle du genou ; qu’ainsi, la survenance de ce dommage, qui constitue une complication classique des traumatismes du membre inférieur traités chirurgicalement, ne peut pas être regardée comme présentant une probabilité faible ; que, dans ces conditions, les conséquences dommageables qui résultent de l’algodystrophie dont souffre de M. B…ne peuvent pas être regardées comme anormales au regard de son état de santé initial comme de l’évolution prévisible de celui-ci ; que, par suite, cette circonstance fait à elle seule obstacle à la prise en charge de l’indemnisation des préjudices subis par l’intéressé au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique »

Cour administrative d’appel de BORDEAUX, 08/09/2015, 13BX02233