Endocardite infectieuse suite à un remplacement valvulaire

A la suite d’un remplacement valvulaire aortique par une prothèse mécanique  réalisé, le 14 octobre 2003 au sein d’un centre chirurgical, un patient présente une endocardite diagnostiquée le 23 janvier 2004 au cours d’une hospitalisation dans un centre hospitalier ayant conduit à la mise en œuvre d’un traitement antibiotique.

Le 5 février 2004, il est transféré  au centre chirurgical pour le remplacement de sa prothèse et pris en charge par deux médecins exerçant leur activité à titre libéral , lesquels poursuivent l’antibiothérapie, puis a été réadmis au centre hospitalier du 19 février 2004 au 10 mars 2004.

Ayant conservé des troubles de l’équilibre et des troubles oto-rhino-laryngologiques, le patient assigne le centre chirurgical en responsabilité et indemnisation.

Expertises judiciaires confirmant l’infection nosocomiale et la faute de contrôle du traitement

Le collège d’experts, désigné par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux ( CRCI), a conclu que l’endocardite constituait bien une infection nosocomiale, due à un germe endogène dont la porte d’entrée est très vraisemblablement une diverticulose sigmoïdienne préexistante.

Le rapport d’expertise médicale relève que l’apparition des troubles ORL est bien la conséquence du traitement antibiotique par gentamicine, lequel ne comportait pas d’alternatives.

Les médecins experts judiciaires confirment formellement que l’endocardite présentée par le patient constitue une infection nosocomiale certaine, survenant dans les trois mois suivant la pose d’une prothèse valvulaire aortique, mais excluent qu’elle puisse être rattachée à la diverticulose sigmoïdienne, en l’absence de symptomatologie digestive. Ils précisent que les infections profondes du site opératoire, telle que l’infection d’une prothèse valvulaire, sont dites nosocomiales lorsqu’elles surviennent dans l’année qui suit l’implantation du matériel. En ce qui concerne l’antibiothérapie, le traitement de choix repose sur l’association à fortes doses d’amoxicilline et de gentamicine pendant au moins six semaines, avec une surveillance étroite des concentrations résiduelles, en raison de la toxicité rénale et auditive de la gentamicine. Ces concentrations doivent être inférieures à 1 mg/l, ou mieux à 0,5 pour plus de sécurité.

Or, les médecins experts ont noté que le 26 janvier 2004, le taux de gentamicinémie est correct, mais il devient excessif dès le 2 février 2004 (le patient est l’hôpital). Le 4 février, la posologie de gentamicine est réduite mais aucun contrôle des concentrations sanguines n’est prescrit. Lors de son transfert , le 5 février 2004, les taux connus imposaient un arrêt momentané du traitement, jusqu’à élimination complète, puis à sa reprise à un taux adapté à la fonction rénale.

Indemnisation intégrale à la charge de l’établissement ou a été contractée l’infection

En appel, les juges du fond vont exclure la réparation par le centre chirurgical et son assureur des préjudices résultant des troubles de l’équilibre et des troubles oto-rhino-laryngologiques estimant  que le premier doit assumer l’intégralité des conséquences dommageables de l’endocardite, qui n’incluent pas ces troubles imputables à un défaut de contrôle du traitement antibiotique, et non au traitement en lui-même, que leur réparation incombera pour moitié exclusivement à aux médecins exerçant en libéral respectivement à hauteur de 20 % et 30 %, et que n’est formée aucune demande relative à la responsabilité de l’hôpital, qui échappe à la compétence de la juridiction judiciaire.

Un pourvoi en cassation est formé.

La Haute juridiction casse l’arrêt d’appel estimant que  » la mise en œuvre du traitement antibiotique à l’origine des troubles avait été rendue nécessaire par la survenue de l’infection nosocomiale dont le centre chirurgical est tenu de réparer l’ensemble des conséquences, au titre de sa responsabilité de plein droit, sans préjudice des actions en garantie pouvant être exercées à l’égard des praticiens et de l’hôpital en raison des fautes commises dans la prise en charge de cette infection« 

Cass. Civ. 1ère, 6 juin 2018, n° 17-18.913