Amputations suite à un retard de prise en charge

Le 6 août 2008, suite à un accident de la vie privée, une victime présente une fracture du cinquième orteil de son pied gauche, diagnostiquée grâce à la radiographie pratiquée le 21 août 2008 au service des urgences du CHU de Pointe-à-Pitre Les Abymes où il s’était présenté une première fois le 16 août 2008.

En raison d’une infection  évoluant vers la nécrose, une amputation du cinquième orteil gauche est prévue pour le 27 août 2008 mais n’est pas pratiquée au CHU de Pointe-à-Pitre car le patient souhaite être transporté au CHU Henri Mondor a Créteil. L’amputation n’est finalement réalisée que le 30 août 2008.

En raison de l’apparition d’une nécrose, une amputation du quatrième orteil a été réalisée le 8 septembre 2008, suivie, le 19 septembre 2008 d’une amputation trans-métatarsienne.

Expertise médicale diligentée par la CRCI Guadeloupe-Martinique

Le rapport de l’expertise diligentée à la demande de la commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI)des accidents médicaux de Guadeloupe-Martinique relève que le diagnostic de la fracture du cinquième orteil du pied gauche du patient et de son infection, qui s’était déjà propagée lors de sa première visite au service des urgences, a été établi tardivement .

Retard fautif de prise en charge et perte de chance

Les experts précisent que l’amputation de cet orteil a été repoussée, pour des raisons non entièrement élucidées mais exclusivement imputables à l’établissement et qu’en outre, eu égard à l’état de santé du patient atteint de diabète insulinodépendant, souffrant de problèmes vasculaires au niveau des membres inférieurs et qui avait bénéficié d’une transplantation d’un rein et du pancréas en raison de laquelle il doit suivre un traitement immunodépresseur, dont le service était informé, ce patient aurait dû faire l’objet d’une attention particulière dès son admission au service des urgences.

Les experts relèvent que le retard avec lequel il a été procédé aux examens nécessaires, puis à l’intervention chirurgicale qui s’imposait constituent des fautes médicales de nature à engager la responsabilité de l’établissement hospitalier.

Le rapport des experts désignés le 1er juillet 2009 par la commission interrégionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) précise que le retard mis à pratiquer l’amputation a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage consistant à devoir subir également une amputation du 4ème orteil et une amputation trans-métatarsienne, ainsi que les complications qui s’en sont suivies.

Fautes médicales et négligence du patient

Le tribunal administratif de Basse-Terre  condamne le CHU à indemniser la perte de chance d’éviter le dommage mais seulement concernant le 4ème orteil.

En appel, la décision est confirmée. La Cour administrative d’appel retient en effet que l’amputation du 5ème orteil était inéluctable en raison de la négligence initiale du patient qui avait consulté trop tardivement, les tissus étant déjà en voie de nécrose irrémédiable. En revanche, les amputations supplémentaires auraient pu être évitées et sont dues aux fautes médicales (retard de diagnostic et de traitement).

CAA de BORDEAUX, 30/06/2015, 13BX02180