Indemnisation d’une tétraplégie

SMUR défaut de prise en chargeUn patient âgé de 33 ans fait une chute dans la cage d’escalier de son immeuble à Marseille, dans des conditions restées inexpliquées. Il est retrouvé gisant dans le hall de son immeuble que les marins-pompiers, alertés par ses voisins, sont arrivés à 6 h 42 sur les lieux, ont fait appel au médecin du SMUR qui l’a examiné à 7 h 20 .

Identifiant un malaise suite à un abus d’alcool, ils transportent le patient aux urgences de l’hôpital où il a été admis à 8 h 03 .

Aux urgences, le diagnostic de malaise est maintenu aux urgences de l’hôpital pendant plusieurs heures, les allégations de paralysie des membres inférieurs du patient n’étant pas retenues par les praticiens. A 13h, les radiographies révèlent une fracture du rachis cervical et une fracture du crâne entrainant une tétraplégie sont diagnostiquées.

La tétraplégie est confirmée par le scanner cervical réalisé à 14 h, mentionnant une fracture par Tear drop de C4 et C5 avec une angulation importante du canal cervical avec rétrécissement de l’ordre de 30 % du canal cervical .

Le patient est ensuite transporté dans le service de neurologie à 15 h 05 ; que, malgré une opération à 21 h visant à mettre en place un greffon iliaque maintenu par une plaque vissée, il est atteint d’une tétraplégie définitive.

Le patient demeure atteint d’une tétraplégie, c’est à dire d’une paralysie définitive des quatre membres, de niveau C6 à gauche et C6 C7 à droite avec motricité nulle des membres inférieurs, une sensibilité conservée aux membres supérieurs et des troubles sphinctériens complet.

Le patient saisit le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille, lequel désigne un médecin expert qui a rendu son rapport le 15 juin 2008.

L’expert neurochirurgien retient une perte de chance de 17% résultat du retard fautif de diagnostic.

Non satisfait des résultats de cette première expertise médicale et estimant que sa prise en charge à l’hôpital constituait une faute de nature à engager sa responsabilité, il a demandé au tribunal administratif de Marseille de désigner un nouvel expert médical ainsi que l’indemnisation des préjudices résultant de sa tétraplégie.

Le tribunal administratif estime

  • que les fautes commises par les pompiers lors des premiers soins donnés au requérant engageaient la responsabilité de la ville dont relève le bataillon des marins-pompiers,
  • que les fautes commises tant dans l’examen clinique initial que dans la prise en charge ultérieure du patient par le service des urgences de l’hôpital de la engageaient la responsabilité du centre hospitalier,
  • a ordonné une expertise par un collège de trois experts (un neurochirurgien, un chirurgien orthopédique et un urgentiste) sur le point de savoir si la tétraplégie présentée parle patient a été acquise immédiatement lors de sa chute ou au contraire si les fautes commises par les marins-pompiers puis par le service des urgences de l’hôpital dans la prise en charge du patient lui ont fait perdre une chance d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation et, le cas échéant, de quantifier la perte de chance strictement imputable aux manquements retenus.

 

Le collège d’experts estime

  • que le retard thérapeutique fautif de trois heures a été source d’une perte de chance  » parce qu’un certain nombre de gestes auraient dû être faits pour limiter autant que faire se peut les conséquences de l’accident  » ;
  • que s’il résulte de l’ensemble de ces éléments et de manière certaine que le patient aurait été définitivement tétraplégique même en l’absence de faute du centre hospitalier eu égard à l’impossibilité de mettre en œuvre dans les délais nécessaires une thérapie de la compression médullaire avant sa constitution définitive, en revanche, ce retard fautif de trois heures du centre hospitalier a fait perdre au patient une chance de conserver une tétraplégie et des troubles associés moindres . Le collège de trois experts a estimé une perte de chance de 30 % imputable à ce retard thérapeutique.

 

La Cour d’appel de Marseille étant amenée à se prononcer, applique un raisonnement en termes de probabilité d’échapper à l’aggravation de l’état de santé du fait des fautes commises à l’hôpital, en tenant dûment compte de la gravité de l’état de santé initial.

CAA Marseille, 12 novembre 2014