Oubli d’une compresse suite à plusieurs interventions chirurgicales

Le 6 octobre 2004,une patiente est opérée, par un premier chirurgien dans une clinique privée pour une hystérectomie totale par laparotomie.

Le 10 octobre 2005, la patiente est opérée par un deuxième chirurgien dans une clinique privée pour une récidive de hernie hiatale par laparotomie

Le 4 décembre 2007, lors d’une nouvelle laparotomie, une compresse chirurgicale est retrouvée dans l’abdomen de la patiente

La patiente sollicite une expertise médicale en référé.

Expertise en responsabilité médicale

Le médecin expert judiciaire relève que:

-La patiente  a été opérée par le  chirurgien digestif le 25/03/2002 pour un reflux gastro oesophagien dont les suites opératoires ont été simples

-Le 10 octobre 2005 une nouvelle intervention de ce même chirurgien digestif a été nécessaire en raison d’une récidive qui a conduit à pratiquer une nouvelle intervention commencée par coelioscopie puis poursuivie en raison des adhérences par laparotomie.

-Dans l’intervalle la patiente a subi en octobre 2004 une hystérectomie totale par laparotomie pour fibrome utérin pratiquée par un chirurgien gynecologique.

-Une compresse est retirée de l’abdomen de la patiente  le 4 décembre 2007 de 54 cm x 54 cm.

-L’intervention de 2005 a nécessité l’utilisation de compresses disposées dans l’abdomen aux fins d’éponger les épanchements de sang et d’améliorer le contrôle visuel du champ opératoire ; ces compresses ont été comptées au début et en fin de procédure ; le nombre annoncé en fin de procédure a été identique à celui annoncé en début d’intervention, ce qui permettait au chirurgien digestif de penser qu’aucune compresse ne subsistait dans l’abdomen de sa patiente et que la fermeture de l’abdomen pouvait être réalisée.

-L’opérateur de l’intervention de 2004 a noté en début d’intervention l’existence d’une adhérence épiplo pariétale sur la cicatrice ombilicale ; on peut donc penser qu’il a dû libérer la région abdominale comportant le colon transverse et le grand épiploon, libération responsable parfois de suffusions hémorragiques nécessitant l’application temporaire de compresse à visée hémostatique. Il n’est donc pas possible d’exclure que la présence de cette compresse soit concomitante à l’acte opératoire du chirurgien gynécologique; de la même manière il n’est pas possible d’exclure que la compresse laissée dans l’abdomen de la patiente vienne de l’intervention menée par le chirurgien digestif.

-L’appartenance et la provenance du corps étranger ne peuvent être formellement attribuées aux deux cliniques privées.

Indemnisation rejetée en l’absence de responsable identifié

En appel, les juges du fond estiment qu’aucune  négligence fautive ne peut être imputée à l’un des 2 chirurgiens ou établissements.

La patiente se pourvoit en cassation.

La Haute juridiction rejette le pourvoi estimant que:

« en application de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé ainsi que les établissements dans lesquels sont réalisés des actes de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de ceux-ci qu’en cas de faute

qu’il incombe au demandeur d’établir l’existence de cette faute et le lien de causalité avec le dommage qu’il a subi ; qu’au terme de son expertise l’expert a été dans l’incapacité de déterminer l’acte chirurgical auquel pouvait être rattachée la présence de la compresse et des clips dans l’organisme de la patiente

qu’une condamnation in solidum de l’ensemble des défendeurs ne saurait être réclamée pour pallier un défaut dans l’administration de la preuve, chacun ne pouvant être tenu responsable que de son propre fait « 

 

Cass. 1ère civ., 3 novembre 2016 (n° 15-25348)