ACCIDENT DE LA CIRCULATION ET ERREUR MÉDICALE

SMUR défaut de prise en chargeDécès en cours d’opération

Une patiente est victime d’un accident de la circulation.

La victime est prise en charge dans un état grave à l’hôpital et subit le lendemain de son admission une intervention chirurgicale destinée à réduire les fractures des quatre membres dont elle était atteinte, notamment des fractures des deux fémurs

L’intervention s’est déroulée normalement de 10 heures 30 à 13 heures et a permis de traiter la fracture du fémur gauche vers 13 heures, la patiente a été placée en décubitus latéral gauche pour permettre de traiter son fémur droit

A partir de 14 heures, la patiente a présenté les premiers symptômes d’une instabilité hémodynamique qui s’est aggravée peu après, entraînant deux arrêts cardio-circulatoires successifs

En dépit des moyens de réanimation mis en œuvre par l’équipe chirurgicale, puis dans un service spécialisé du même hôpital, la patiente décède.

Une expertise médicale est ordonnée.

Le rapport d’expertise relève:

Qu’un cathéter a été positionné dans la veine sous-clavière au début de l’intervention afin de permettre l’administration des perfusions et transfusions nécessaires au maintien de l’état circulatoire de la patiente.

Que le cathéter s’est déplacé dans le secteur intrapleural pendant le déroulement de l’intervention, provoquant une hypovolémie qui, chez une malade ayant souffert d’un traumatisme grave avec plusieurs fractures complexes, a été à l’origine d’une défaillance circulatoire puis d’un arrêt circulatoire

Que le cathéter a été mis en place au début de l’intervention dans des conditions adéquates et que son déplacement au cours de l’opération ne résulte pas d’un geste fautif

Que l’anesthésiste a porté une attention continue à la patiente pendant toute la durée de l’intervention et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir, lors du changement de position de la patiente résultant de la nécessité de traiter le fémur droit, procédé à une vérification du bon positionnement du cathéter dès lors qu’une telle vérification ne s’impose qu’en cas de doute sur un éventuel déplacement

Que jusque vers 14 heures, les constantes de la patiente ne permettaient pas de déceler que le dispositif n’était plus efficace

Que ni le déplacement du cathéter, ni le fait qu’il n’a pas été diagnostiqué en temps utile ne résultent de fautes médicales

Que le déplacement du cathéter au cours de l’intervention est un risque connu de l’utilisation des cathéters veineux centraux sous-claviers a favorisé le décès de la patiente

Que le décès de la victime s’explique également, d’une part, par le polytraumatisme et les fractures graves résultant de l’accident de la route, à l’origine d’un syndrome inflammatoire important, de troubles de la coagulation et de contraintes métaboliques liées à la douleur retentissant sur la fonction cardiaque et, d’autre part, par une pathologie cardiovasculaire dont l’intéressée était atteinte et qui limitait les mécanismes de réserve que le cœur pouvait mettre en jeu

 Le Tribunal administratif rejette la demande d’indemnisation des ayant droits de la victime décédée.

 La cour administrative d’appel confirme le rejet de la demande d’indemnisation.

Le Conseil d’état rejette le pourvoi considérant:

« qu’en l’absence de traitement la patiente était exposée à des conséquences aussi graves que celles que l’intervention a entraînées et, d’autre part, que le dommage a résulté de la réalisation d’un risque élevé de complication cardiovasculaire, à laquelle le déplacement accidentel du cathéter a seulement concouru ; qu’en déduisant de ces éléments que la condition d’anormalité du dommage à laquelle les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique subordonnent la prise en charge au titre de la solidarité nationale n’était pas remplie en l’espèce »

 

Mon avis:

La condition d’anormalité du dommage prévue par le premier alinéa de l’article L. 1142-1 II doit toujours être regardée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement. Lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l’état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage.